Axel et Ael sont nés en été, dans l’état du Wisconsin. C’est la ville du Milwaukee qui les aura vus naître par un chaud jour d’août. Leurs parents étaient des travailleurs humbles, leur mère une femme au foyer qui s’occuper d’eux la plupart du temps. Leur père absent pour subvenir aux besoins de sa famille, employé en ville. Ou du moins… C’est le peu de souvenirs qu’il garde de ses parents biologiques. Des souvenirs, des bribes. Ou des choses qu’on lui raconta plus tard.
Ils avaient à peine deux ans quand un incendie ravagea la maison. Leurs parents les avaient confiés à une amie pour la journée. Ils ne purent jamais remettre les pieds dans leur maison, dont il ne restait qu’un tas de cendre. Tout comme ils ne purent jamais revoir leurs parents, dont il ne restait guère beaucoup plus de choses. Deux jours passèrent où ils restèrent chez leur baby-sitter provisoire jusqu’à ce qu’un inconnu arrive. Il emmena Axel, laissant Ael à sa nounou. Pourquoi l’un et pas l’autre ? Pourquoi pas les deux ? Axel ne le sut jamais. Pour la bonne raison qu’il ne se souviendra pas d’avoir un frère. Et que l’homme qui deviendra son père de remplacement ne lui évoquera jamais ce fait.
Il s’appelait William. Il apprit bien des années plus tard qu’il était en réalité l’employé de son père ainsi qu’un ami de longue date. Sans doute une des raisons pour lesquelles il vint chercher ce petit nourrisson et l’emmener avec lui. Il le fit voyager jusqu’en France, et c’est dans ce pays qu’il fut élevé. Dans un cadre plutôt… spécial.
William était quelqu’un de plongé dans des organisations plus ou moins légales… Plus que moins d’ailleurs. Il était à la tête d’une mafia étendue sur plusieurs pays, s’amusant à contrôler tout ceci d’une main de maître. Axel vécu au milieu de tout ça. Très jeune, il assistait aux travaux de celui qu’il considéra rapidement comme son véritable père, et qui lui apprit tout ce qu’il y avait à savoir pour survivre dans ce monde. Il allait à l’école bien évidemment, du moins, au début pour apprendre l’essentiel. En même temps que les mathématiques et l’histoire, il apprit la politique, la psychologie. Il apprit également le maniement des armes et certains arts martiaux. Loin de vouloir lui faire vivre une vie normale, William avait décidé d’en faire quelqu’un qui pourrait lui servir à l’avenir. Il ne s’y était pas trompé.
Loin de lui en vouloir pour cette vie, Axel était plutôt content. Il trouvait tout ce qu’il apprenait passionnant et ne s’ennuyait jamais. Souvent, il accompagnait son père en voyage. Il découvrit la plupart des états américains, une bonne partie de l’Europe, la Russie, la Chine, le Japon. Chaque fois, il en profitait pour apprendre la langue de l’endroit où il partait. Jour après jour, il grandissait, et jour après jour il se faisait plus fort, plus sûr de lui.
À quinze ans, il connaissait déjà beaucoup plus de langue qu’un enfant de son âge. Il savait manier une arme de plus ou moins grand calibre, savait se battre et se défendre. Même s’il n’avait encore jamais dû tuer par lui-même. Mais c’est à cet âge là qu’il découvrit ce qui deviendra sa plus grande passion par la suite. Les plantes. Par un grand hasard. Une de ses petites amies qui travaillait chez un herboriste et qui l’y emmenait régulièrement. Très vite, il sympathisa avec la personne qui tenait la boutique. Il apprit beaucoup de choses sur les plantes et leurs vertus, qu’elles soient curatives ou mortelles. Depuis ces jours-là, il s’amusera toujours à faire des expériences étranges, récupérer des plantes de ses voyages ou à les acheter pour faire ses propres mélanges.
Plus d’une fois, il mit sa propre vie en danger en voulant les tester sur des êtres humains. Plus d’une fois, il se fit sermonner par William, qui désapprouvait ce genre de méthodes, ou tout de moins, la façon dont il les testait sur lui-même.
Son premier meurtre eut lieu quand il eut dix-huit ans, presque jour pour jour. William l’avait envoyé sur le terrain pour tuer un politicien qui n’en faisait qu’à sa tête et menacer de dévoiler son identité. Il faisait équipe avec un autre homme, plus expérimenté malgré le fait qu’il soit à peine plus âgé que lui. Axel connaissait sa théorie sur le bout des doigts… Pourtant tout le monde sait que la théorie et la pratique sont bien différentes. Mais Jack se chargea de le prendre en main, lui montrant comment s’y prendre. Tout se passa sans aucun incident. Un meurtre qui ne le dérangea pas plus que ça, ni ne le marqua.
Lui et Jack continuèrent souvent les missions ensemble, fonctionnant dans un duo efficace. Il apprenait à Axel les ficelles du métier sur le terrain, l’emmenant avec lui quand c’était possible. Avec le temps, leur duo gagna en efficacité, en force. Même si les liens qui se développaient entre eux étaient bien plus complexes que de simples liens entre collègues. L’amour qui s’était tissé entre eux au fil des missions et de la mort était solide. À vingt-trois ans, ils se marièrent à l’occasion d’un de leurs voyages au Canada. Un mariage qui resta secret pour tous sauf pour William, seule personne, à part Jack, avec qui Axel partageait le moindre de ses secrets, la moindre pensée.
La vie continua son cours quatre ans durant. C’est alors qu’Axel comprit l’amère vérité d’une vie d’homme. Une mission en Italie. La routine. Tout aurait dû se passer comme prévu. Et pourtant… quelqu’un avait dû les prévenir de leur intervention. On leur tendit un piège, une embuscade. Jack y laissa la vie alors qu’Axel s’enfuyait. Quatre ans de pur bonheur perdu en une seconde à peine. Il rentra en France, après avoir vengé la mort de son compagnon. Il ne put jamais récupérer son corps pour le ramener dans son pays et l’y enterrer comme il l’aurait dû. Avec le temps, c’est une des choses qu’il regrettera le plus dans sa vie.
La mort de Jack fut un dur coup pour son moral. Il se laissa aller au quotidien, les seules fois où il mettait le nez dehors étaient quand William l’obligeait à aller travailler pour des petites affaires. Sa seule joie se portait désormais sur ses plantes, amies fidèles, dont il pouvait concocter ses drogues. Au moins, quand il planait, il pouvait retrouver son mari pour quelques heures.
Il garda ce rythme de vie durant de longs mois, un peu plus d’une année. Jusqu’à ce qu’un homme ne lui tire le bec hors de l’eau. Un homme qu’il rencontra par hasard, qui était aussi du milieu, mais pas au service de William. Juste un mec… avec qui il devait coopérer. Mais quelqu’un qui lui fit prendre conscience de beaucoup de choses.
Il reprit sa vie en main, lentement. Se remettant de ce coup dur, essayant de relativiser. Il vécut avec cet homme pendant un an, le temps que dura leur travail, en réalité. Un travail de protection, de garde du corps pour une affaire compliquée. En un an, Axel s’était complètement remis sur pied, malgré quelques vices qui étaient restés ancrés en lui. Et puis quand la mission s’arrêta, Axel décida de partir. Il coupa le contact avec tout le monde sauf William et s’envola pour le Japon.
À trente ans, il ne prenait… pas un nouveau départ, mais l’équivalent. Il savait qu’il n’en retrouverait jamais ce qu’il avait perdu, mais ce n’était pas qu’il recherchait. Il avait un peu de remords à laisser derrière lui cet homme qui l’avait aidé et qu’il avait été amené à aimer, d’une certaine façon. Mais c’était ainsi.
Il ouvrit un petit magasin dans le centre-ville d'Hikari. Le boulot de fleuriste… Ça le faisait rire quand il y pensait, mais ça lui convenait bien. Il n’avait cependant pas complètement coupé les ponts avec le monde de l’ombre, bien au contraire. Derrière son enseigne joviale, il revendait armes et drogues en grande quantité aux mafias locales ou au particulier. Il n’avait pas choisi cette ville pour rien.
Il se fit bien vite un nom dans le milieu. Non pas pour ses armes, elles étaient identiques aux autres, mais pour les produits spéciaux qu’il vendait. Ses mélanges de drogue étaient inédits pour la plupart, il s’amusait à les faire lui-même, en fonction des demandes des clients, ou de ses idées qui lui venaient comme ça. Parfois, il mélangeait armes et plantes. Plus d’une fois, il créa des projectiles combinant ces deux facettes. Soit en créant un alliage imprégné de différents poisons selon les effets désirés. Soit en insérant à l’intérieur des balles une petite poche de poudre qui explosait à l’impact, libérant ainsi son contenu. Des expériences qui l’amusaient, cherchant toujours l’originalité et l’efficacité.
De même, il gardait contact avec son père, accomplissant certaines actions pour lui dans le pays quand le besoin s’en faisait sentir. Il n’hésitait d’ailleurs pas à lui rendre la pareille dès qu’il en avait l’occasion, d’une façon ou d’une autre. Notamment en lui faisant parvenir bon nombre de produits de ses différents voyages…
Un an et demi qu’il était installé dans cette ville... Dix-huit mois qu’il menait sa petite vie tranquillement, partagé entre son métier de fleuriste et celui de revendeur et inventeur. Que pouvait bien lui réserver le destin…